Si la notion de réemploi fait son chemin pour ce qui concerne la matière, les matériaux et les artefacts que nous fabriquons, nous pensons qu’elle doit élargir son horizon à celui des bâtiments, en dépassant la notion de «réhabilitation» qui connaît peut-être ses dernières heures. Réemployer les bâtiments implique de les analyser et les comprendre afin qu’ils ne soient pas des alibis à des projets qui ne prendraient aucune précaution et profiteraient de la bienveillance naturelle qui accompagne la conservation d’un patrimoine.

Plusieurs compagnies privées cohabitent jusqu’à la création de la Compagnie Parisienne de Distribution d’Électricité en 1907. La distribution en courant continu laisse place à un réseau alternatif diphasé dont le couplage et la répartition est assuré par des centres disséminés dans la ville. Le Centre d’Aboukir s’inscrit dans cette évolution, prévu dans un premier temps pour alimenter les clients haute tension du quartier.

L’analyse du bâtiment a rapidement révélé sa nature particulière : un carré parfait qui rencontre une parcelle qui ne l’est pas tout à fait. Les plans dressés au moment du permis de construire nous permettent de repérer certaines évolutions, des désaxements, des renoncements, enfin la rencontre d’une rationalité mathématique avec un environnement constituée sur plusieurs siècles d’histoire.

Le vide central de la cour convoque l’archétype de l’îlot parisien qui laisse imaginer un univers intérieur d’une grande richesse au passant qui s’arrête devant une porte cochère entrouverte. C’est aussi un dispositif spatial singulier qui implique le partage d’un volume disponible à tous, mais aussi le partage d’intimités en raison de ses dimensions modestes.

Tout au long de la conception de ce projet nous nous sommes attachés à préserver ces qualités exceptionnelles tout en mesurant nos interventions dans un esprit de sobriété et de frugalité bienvenues. Si l’ «innovation» captive certaines politiques publiques, n’oublions pas qu’elle est également le terreau de l’obsolescence programmée, perpétuant l’idée d’introduire une chose nouvelle pour remplacer quelque chose d’ancien. C’est précisément l’inverse que nous vous proposons ici en plaidant pour une «novation».

La forme du bâtiment est une invitation à partager la cour centrale. Dans le même temps vous avez souhaité que chaque entité ait son indépendance depuis la rue. C’est dans cet esprit que nous avons organisé le rez-de-chaussée/rez-de-cour un accès indépendant des quatre entités du projet par les quatre portes existantes.

Les cours existantes fabriquaient des corps de bâtiment d’épaisseurs variant entre 6 et 12 mètres, permettant d’envisager de créer des logements traversants aujourd’hui difficiles à réaliser dans le contexte actuel de la construction. Nous avons toujours cherché à ce que la pièce de jour profite de la meilleure exposition, soit la rue, soit la grande cour centrale, ce qui a fini par générer une répartition rationnelle des espaces de nuit qui bénéficient toujours indirectement des qualités de ceux de jour par la mise en œuvre d’enfilades et de portes coulissantes choisies.

MOA
Elogie-SIEMP

Lieu
6 rue d'Aboukir, Paris 02 (75)

Programme
42 logements sociaux familiaux en réhabilitation lourde et en surélévation, centre d’accueil de jour d’environ 500m², espace dédié à l’agriculture urbaine en toiture et local d’activité

Surfaces
2877 m² SDP logements, 392 m² SDP accueil de jour

Coût
8,5 M€ HT

Calendrier
Concours 2022, projet classé second

MOE
atelierpng mandataire, EVP, espace-temps, AVA, argenium, ecallard, bassinet-turquin paysage

Matières
Béton, brique, bois, verre

vendredi 04 mars 2022

L'atelier a été retenu avec BTP pour concourir à la transformation d'un ancien centre électrique en logements et un accueil de jour Emmaüs rue d'Aboukir à Paris 2e (75). Equipe: EVP, Espace-Temps, Ava, Argenium, Ecallard.

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photographie aérienne du site © IGN